B/M. : Monsieur le Maire, quel était l'objectif de cette démarche d'afficher un projet de ville ?
Denis Öztorun : Il y avait plusieurs objectifs. D'abord, réunir et mettre en cohérence le travail accompli depuis le début du mandat, sans oublier l'héritage du passé. Ensuite, proposer un projet vivant, qui prévoit l'avenir tout en restant ancré dans le présent. C'est aussi une volonté de reprendre en main la gestion communale et de la redonner aux citoyens, car on l'a trop oublié ces dernières décennies. Enfin, nous voulions redonner de l'espoir aux milieux populaires, qui se sentent souvent abandonnés face aux politiques nationales.
B/M. : Gilles David, en tant que conseiller municipal d’opposition, comment recevez-vous ce projet ?
Gilles David : Je suis d'abord conseiller municipal, avant d'être dans l'opposition. Mon rôle est aussi constructif. Ce projet de ville est important et beaucoup de modernité en ressort. Nos concitoyens voient les évolutions en ville, notamment les services mis à disposition. Toutefois, 2035 me paraît loin. J'aurais fait un projet plus modeste, à trois ans. L'avenir est incertain, et nous sommes une petite ville de 19 000 habitants. Un tel projet aura un coût élevé, et nos dépenses de fonctionnement ont déjà augmenté de 10 millions depuis 2020. La question est de savoir si nos finances suivront.
B/M. : La construction d'un nouvel hôtel de ville a été soumise à référendum. C’était l’une de vos propositions ?
Gilles David : Absolument. Quand je suis arrivé à Bonneuil, j'ai constaté l'éclatement des services municipaux, ce qui coûtait cher en déplacements et en énergie. J'en ai discuté avec Monsieur le Maire, qui m'a écouté et a réalisé un audit. Il a constaté que j'avais raison. C'est une idée que j'avais déjà en tête.
Denis Öztorun : Monsieur David a eu raison de pointer ce besoin. C'est aussi la preuve que la relation entre un maire et un conseiller municipal doit être constructive. L'idée de l'hôtel de ville vient de lui, et je le dis humblement. Il y a d'autres projets inspirés de la droite, car ce qui compte, c'est l'intérêt des habitants. La question du délai de construction reste ouverte, en fonction du contexte économique et des finances municipales.
B/M. : Les finances permettent-elles de soutenir ce projet ?
Denis Öztorun : Nous avons une gestion rigoureuse. En 2013, notre épargne nette étaitnégative, aujourd'hui nous avons plus de 2 millions en positif. Notre épargne brute a atteint 6 millions, et notre endettement a baissé de 39 à 32 millions. Nous planifions nos investissements avec des outils comme le PPI (Plan pluriannuel d'investissement) pour anticiper la conjoncture économique. Nous construisons sur du long terme. Ce projet de ville n'est pas simplement une programmation d'équipements et d'investissements. C'est un objectif pour l'avenir.
Gilles David : Ça ne me rassure pas du tout. L'autofinancement prévisionnel est de 2,7 millions, mais nous devons attendre les bilans annuels pour juger de la soutenabilité. Nous sommes inquiets pour 2026-2027. 2026 va être une année charnière pour les 35 000 communes de France, parce que l'État réduit ses dotations et certaines communes souffrent déjà. C'est bien d'être ambitieux, mais cela a un coût.
B/M. : Sur la question du logement, quels sont vos points de vue ?
Gilles David : Nous avons un déséquilibre : 70 % de logements sociaux contre 30 % de propriétaires. Il faut encourager l'accession à la propriété, car aujourd'hui, une minorité de propriétaires finance les services pour l'ensemble des habitants. D'autres communes ne font pas d'efforts et préfèrent payer des amendes plutôt que de construire des logements sociaux. Nous avons un désaccord complet. De toute manière, si on est élus, on favorisera l'accession à la propriété, on stabilisera les logements sociaux. Il y en a 70 %. Rien ne nous oblige à aller à 80 ou 90 %. Monsieur le Maire a bien compris puisqu'il a annoncé vouloir baisser la part du logement social. Mais comment faire ? Passer de 70 % à 50 %, ça va être très compliqué.
Denis Öztorun : Nous avons un désaccord. Nous devons favoriser la mixité, mais ce n'est pas forcément par l'accession à la propriété. Nous devons d'abord encourager les logements intermédiaires et les locations libres pour attirer les couches moyennes. L'important est d'avoir une diversité réelle de l’offre. Je veux dire aussi qu’il n’est pas juste de considérer que 30 % paient pour les autres. Nous avons aménagé des zones économiques qui apportent les fonds les plus importants à la commune. Il fallait bien loger les personnes qui y travaillent. Celles et ceux qui vivent dans des logements sociaux, sont celles et ceux qui produisent et créent de la richesse. De même, quand on loge celles et ceux qui travaillent à l’hôpital de Créteil et produisent un service public utile aussi pour les 30 % d'habitants qui sont propriétaires.
B/M. : Sur la sécurité, quels sont vos engagements ?
Gilles David : Des actes ont été posés : plus de caméras et l'embauche de six policiers municipaux en 2025. Bonneuil reste une ville calme, mais il faut anticiper. Nous avons toujours soutenu les investissements dans la vidéosurveillance.
Denis Öztorun : La sécurité ne doit pas être dissociée des autres enjeux sociaux. Une population précaire subit aussi
une insécurité sociale, ce qui favorise les économies parallèles et les incivilités. Notre choix est d'abord la prévention : nous investissons massivement dans l'enfance et la jeunesse. Toutefois, nous ne nions pas le besoin de répression : nous avons augmenté le nombre de caméras de surveillance de 4 à 40 et nous avons doublé les effectifs de la police municipale. Nous travaillons aussi sur la prévention des addictions et l'accompagnement social, en partenariat avec la police nationale. Les résultats sont bons : la délinquance a baissé dans toutes ses formes ces cinq dernières années. Nous publierons les chiffres bientôt.
B/M. : Comment concevez-vous vos rôles d’élus respectifs ?
Gilles David : Est-ce que je suis dans l'opposition ? Oui. Mais la République ne fait pas de différence entre un conseiller municipal de droite ou de gauche. Je suis avant tout un conseiller municipal, constructif. Nous pouvons être favorable où pas à certaines décisions prises par Monsieur le Maire. Par exemple sur le Projet de Ville 2035. Même si je n'approuve pas la totalité du projet à long terme, néanmoins, je suis conscient que nous devons déjà réfléchir à l'avenir de nos concitoyens.
Denis Öztorun : Quelles que soient nos appartenances politiques, nous devons être les élus de tous les Bonneuillois. Je me dois d'être engagé, d'assumer des positions, ce qui ne m'empêche pas de d'avoir des relations constructives, avec tous les conseillers municipaux, qu'ils soient de la majorité ou non
Propos recueillis par Bruno Lafosse.