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La saison culturelle est lancée au centre d’art avec l’expo Graffbox de Cristo, retrouvez son interview :

« L’objectif de cette exposition, c’est de montrer que le graffiti est un art à part entière, qui est riche, complexe, développé et pluriel. Il s’agit aussi d’immortaliser des pratiques qui, dans la définition même du graffiti, sont vouées à disparaître de l’espace urbain.  »

En 2014, Cristo, réalisateur et ancien graffeur, souhaite capturer le processus d’exécution d’un graffiti, des coulisses à la réalisation. Pour cela, il crée un outil, qu’il intitule la Graffbox, une espèce de grand pupitre avec une plaque de plexiglas, sur laquelle on pose une feuille de calque. Derrière cela, une caméra enregistre en temps réel le tracé de l’artiste. De ce concept, Cristo en tire une exposition, qui rend hommage à l’art du graffiti, encore trop peu considéré par le grand public. Pour venir admirer cette exposition hypnotisante ouvrant la saison culture du centre d’art, rendez-vous le vendredi 6 septembre, 18h30, jusqu’au 26 octobre. A l’occasion des Rencontres des Arts et de la Culture, Cristo sera présent au centre d’art le 11 octobre. 

Quel est l’idée de départ et comment pouvez-vous définir la Graffbox ?

Je souhaitais immortaliser le tracé des graffeurs lorsqu’ils créent. Normalement, on a l’habitude de voir les œuvres déjà réalisées, dans la rue. Pour cela, j’ai imaginé un concept, que j’ai nommé la Graffbox. Il s’agit en fait d’une espèce de pupitre, avec une plaque de plexiglas, sur laquelle on pose une feuille de calque. Sur cette dernière, les artistes vont venir tracer leurs tags, et derrière la caméra enregistre en temps réel leurs mouvements. Ce projet a démarré en 2014, mais c’est resté en pause pendant deux ans, car n’étant pas plasticien de base, je n’ai pas d’atelier. Mais deux ans plus tard, en 2016, j’ai pu faire une résidence dans un atelier d’artistes, où j’ai pu immortaliser les gestes de nombreux graffeurs. 

Comment a évolué le projet et que représente désormais l’exposition ? 

Aujourd’hui, plus de 190 artistes ont participé à la Graffbox. Ce projet n’a pas réellement de fin, il se conclura surtout quand j’en aurais marre... Je me suis fixé l’objectif de 300 artistes, car c’est un chiffre symbolique pour moi, mais il est largement atteignable. Dans l’exposition que je présente à Bonneuil, on peut ainsi admirer des vidéos, immortalisant le geste d’artistes au style divers, esthétisé grâce à un montage dynamique et une bande sonore de musique classique. Le spectateur verra aussi des reproductions de calques sur lesquels les artistes se sont exprimés.

Quel était le constat originel et quelle est votre volonté derrière cette exposition ? 

L’objectif de cette exposition est double. Il s’agit de montrer au grand public le travail qu’il y a derrière les graffitis que l’on peut observer dans la rue, et que l’art urbain est un mouvement riche, complexe, développé et pluriel. Il ne se limite pas à une forme ou une manière de faire. C’est un art à part entière. Mon rôle est d’immortaliser cette démarche artistique et de transmettre cet héritage aux spectateurs. Au sein de cette exposition présentée au centre d’art Jean-Pierre Jouffroy : les Bonneuillois pourront admirer les œuvres d’environ 130 artistes, qu’ils soient connus ou non. C’était également très important pour moi de représenter des artistes présents dans le milieu depuis longtemps, comme des petits jeunes qui viennent tout juste de commencer. Parce que l’art urbain, c’est aussi universel : ça peut concerner des artistes qui vont graffer pendant deux ans avant de trouver un métier plus conventionnel comme des personnes qui vont en faire leur passion. 

Comment le graffiti a-t-il évolué dans le temps ? 

Cela fait une quarantaine d’années que le mouvement existe aux États-Unis, une cinquantaine en France. Il commence à y avoir une institutionnalisation et une reconnaissance, mais malheureusement le graffiti reste toujours confronté au cliché d’une dégradation du mobilier urbain réalisée par des vandales. La société et la politique ont énormément influencé la vision que l’on a du graffiti, aujourd’hui, il faut espérer que l’art urbain se démocratise de plus en plus. C’est pour cela que cette exposition est importante et qu’elle peut toucher petits comme grands. Il faut que le grand public se rende compte qu’il s’agit d’un art proche de la calligraphie, qu’il y a tout un travail de recherche derrière ces tags.

Quel est votre parcours professionnel et quels sont vos projets actuels ? 

J’ai fait un peu de graffiti lorsque j’étais jeune, j’ai dû commencer à l’âge de 14 ans, influencé par l’époque et mes amis. J’ai ensuite commencé à réaliser un premier court-métrage par hasard, et j’ai tout de suite pris une grosse claque, j’ai adoré ce milieu. Comme tu ne génères pas d’argent avec les courts-métrages, j’ai rapidement commencé à faire des clips et de pubs. En 15 ans, j’ai dû réaliser plus de 120 clips, pour de gros noms du rap majoritairement, comme Vald, Médine, Sexion d’Assaut, Kery James, SCH… En ce moment, j’écris beaucoup, afin de réaliser des longs-métrages de fiction, qui porteront sur des thématiques sociales. Et en attendant la réalisation de ces projets qui prennent du temps, l’exposition Graffbox est à voir au centre d’art Jean-Pierre Jouffroy jusqu’au 26 octobre. Je serai également présent le 11 octobre, lors des Rencontres des Arts et de la Culture, pour apporter des précisions aux Bonneuillois.

Interview réalisée par Suzanne Rublon